Par Charles et Perrine Hervé-Gruyer

Charles-et-Perrine-Herve-Gruyer-2Extrait de leur livre « Permaculture, Guérir la Terre, nourrir les Hommes » aux éditions Actes Sud, 2014 :

« Créée dans les années soixante-dix en Australie par Bill Molisson et David Holmgren, la permaculture est un système conceptuel inspiré du fonctionnement de la nature. Depuis des centaines de millions d’années, la nature crée des écosystèmes harmonieux et durables, qui génèrent eux-mêmes les conditions favorables au développement de formes de vie plus évoluées. Permaculture signifiait, à l’origine, agriculture permanente, puis le concept s’est élargi pour devenir culture permanente, dans le sens de durable.

L’être humain, particulièrement en Occident durant les derniers siècles, « artificialise » les écosystèmes et s’impose de ce fait l’obligation de devoir compenser par son travail et par des intrants les fonctions remplies naturellement par le vivant (par exemple, pour un jardin, la capacité des plantes et des micro-organismes contenus dans un sol vivant à créer de l’humus, en dégradant la roche-mère, à utiliser l’énergie du soleil, l’azote et le carbone atmosphérique, l’eau de pluie…).

La permaculture cherche à concevoir des installations humaines harmonieuses, durables, résilientes, économes en travail comme en énergie, à l’instar des écosystèmes naturels. Ses concepts de design reposent sur un principe essentiel : positionner au mieux chaque élément de manière à ce qu’il puisse interagir positivement avec les autres. Créer des interactions bénéfiques, comme dans la nature où tout est relié. Dès lors, chaque fonction est remplie par plusieurs éléments et chaque élément remplit plusieurs fonctions, les déchets de l’un deviennent les produits de l’autre, permettant au tout d’être davantage que la somme des parties. C’est une vision holistique, organique du monde.

La permaculture repose sur 3 principes éthiques :

  • prendre soin de la Terre
  • prendre soin des Hommes
  • partager équitablement les ressources.

La permaculture a un objet large : elle intègre l’agro-écologie, la construction écologique, les énergies renouvelables… dans une vision pragmatique et souple, pouvant être adaptée à chaque territoire, aux besoins et aspirations de chaque personne ou communauté. La permaculture offre un cadre conceptuel évolutif doté d’une capacité fascinante d’intégration de « bonnes pratiques » issues de différentes traditions, comme des dernières avancées des sciences contemporaines. Ses concepts peuvent s’appliquer, à priori, à toutes les installations humaines : villes (avec le mouvement des Villes en Transition), entreprises, communautés (les éco-villages), fermes et jardins…

La permaculture est bien adaptée à de petites surfaces, propose des solutions low tech, mais reposant sur une observation attentive du milieu et une connaissance poussée du fonctionnement du vivant. Elle favorise l’émergence d’une société solidaire et décentralisée.

A la Ferme du Bec Hellouin, nous étudions tout particulièrement les adaptations des concepts de la permaculture à l’agriculture biologique. Contrairement à une idée trop répandue, la permaculture n’est pas un ensemble de techniques de jardinage, mais bien un système conceptuel. Ses applications sont toutefois particulièrement pertinentes dans le domaine de la production agricole : la permaculture permet de concevoir des agro-écosystèmes tout à la fois harmonieux, durables, économes et productifs.

Cinq années après avoir créé notre ferme, nous avons synthétisé notre recherche en matière de maraîchage bio : c’est la méthode de la Ferme du Bec Hellouin, créée en 2010 pour favoriser l’essor de micro-fermes conçue selon les principes de la permaculture. Cette méthode est destinée à évoluer au fil des recherches et des échanges, et ne demande qu’à être adaptée à d’autres domaines que le maraîchage.

Nous sommes persuadés que la permaculture est l’avancée contemporaine la plus pertinente pour réconcilier l’Homme et la Terre. C’est une science, une philosophie, un art de vivre encore très jeune (même si ses principes sont pratiqués depuis la nuit des temps, partout dans le monde, sans qu’ils aient été décrits sous cette forme), riche d’un extraordinaire potentiel. »